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« IL APPARTIENT À L’AFRIQUE DE GARANTIR LA SÉCURITÉ DE SES POPULATIONS »


Père Yvon Elenga, jésuite, doyen de la faculté de sciences sociales et de gestion de l’Université catholique d’Afrique centrale à Yaoundé, au Cameroun/ Guy Aimé Eblotié/ LCA

Le Père Yvon Christian Elenga est jésuite congolais, doyen de la faculté de sciences sociales et de gestion de l’Université catholique d’Afrique centrale à Yaoundé, au Cameroun.
Avant son intervention au colloque international – « l’Afrique et l’Europe-Penser le défi d’une rencontre » – qui s’ouvre ce 2 février à Abidjan, il donne des éléments d’analyse sur les relations entre l’Afrique et l’Europe.

La Croix Africa : Comment les intellectuels africains perçoivent-ils aujourd’hui les relations Afrique-Europe ?

Père Yvon Christian Elenga : Il me semble qu’une mosaïque existe qui aborde la question des relations Afrique-Europe dans sa diversité, et donc ses variations. Il y a une constance, aujourd’hui. Elle se fonde sur l’urgence de changer de paradigme et d’oser un regard d’égal à égal. Une telle exigence n’est pas seulement géostratégique ou politique.

Puisque j’ai parlé de mosaïque, il faut, peut-être, considérer d’un côté ce que représente l’Afrique dans le monde : d’un côté, ses richesses réelles, ses singularités et ses saines ambitions ; de l’autre, ce à quoi on voudrait la réduire et qui correspond davantage aux péripéties d’une histoire où elle n’a pas été que la victime ou l’objet.

C’est cet héritage-là que beaucoup d’Africains tentent de capitaliser dans les débats en cours, sans être des passéistes ou d’obscures futurologues.

Au regard du passé des relations entre les deux continents, quels sont les défis aux niveaux économiques, politique, religieux ? Comment envisagez-vous les relations futures ?

Y. C. E. : À la faveur du temps qui passe, et des nouveaux défis, comme vous dites, il a urgence à ne pas aborder les problèmes de nos relations à travers le prisme exclusif d’une fragmentation binaire : d’un côté, l’Europe ; de l’autre, l’Afrique. Sur ce plan, une pensée du philosophe sénégalais, Souleymane Bachir Diagne me vient à l’esprit : « Il est impératif de conserver un horizon d’universalité, car les défis qui nous interpellent nous menacent en tant qu’espèce humaine et c’est en tant qu’espèce humaine qu’il faut y répondre ».

Dans la sous-région ouest africaine se développe aujourd’hui une volonté de rupture avec l’ancienne puissance coloniale au profit d’autres partenaires. Quelle est votre analyse de la situation ?

Y. C. E. : Cette posture n’est pas nouvelle. Elle a souvent fait éruption à la faveur de quelques crises internes, mêlant à la fois un ressentiment contre les anciennes puissances coloniales et une exubérance des conflits générationnels. J’ai bien peur qu’on ne se trompe de vraies cibles, ou de vrais problèmes. En revanche, que des populations pointent du doigt les inconséquences de certaines relations, cela me paraît tout à fait justifiable. Il faut, à ce moment-là, savoir raison garder. Car les initiatives qui fustigent les individus plutôt que des systèmes ne font que pérenniser les luttes d’intérêt. Je crois davantage aux démarches institutionnelles.

Si la guerre en Ukraine a mobilisé l’Europe contre la Russie, en Afrique certains se sont plaints du défaut d’engagement à un tel niveau dans les conflits de leur continent. Est-ce légitime de voir les choses sous cet angle ?

Y. C. E. : Que l’Europe montre sa solidarité en faveur d’un pays européen, cela ne devrait offusquer personne. C’est ainsi que ces pays d’Europe se voient, dans un mouvement de protection et de défense contre la Russie. N’oublions pas que nous sommes là devant une théâtralisation des intérêts particuliers dans une situation de guerre. Cela signifie donc qu’il appartient à l’Afrique de garantir la sécurité de ses populations. Des instances existent aux niveaux continental et sous-régional. Encore faut-il leur donner chair et consistance.

Recueilli par Guy Aimé Eblotié

Source : africa.la-croix

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