«Face au syncrétisme croissant,
il est urgent de lancer une pastorale de proximité»
Mgr Roger Houngbédji, archevêque de Cotonou, auteur de l'ouvrage Les églises d'Afrique
face au défi du témoignage à l'ère de la nouvelle évangélisation/Juste Hlannon/LCA
La communion avec le Christ est la garantie d’une foi susceptible de résister aux assauts des groupes ésotériques », assure Mgr Roger Houngbédji dans un entretien avec La Croix Africa.
L’archevêque de Cotonou vient de publier aux éditions Paulines d’Abidjan un nouvel ouvrage, Les Églises d’Afrique face au défi du témoignage à l’ère de la nouvelle évangélisation.
La Croix Africa : Que proposez-vous pour corriger la « religiosité syncrétiste » qui entache la « montée en flèche de la population catholique africaine », thème de votre ouvrage ?
Mgr Roger Houngbédji : Pour faire face au syncrétisme croissant chez les fidèles d’Afrique, il est urgent de lancer une pastorale de proximité qui favorise une rencontre personnelle et vivante des fidèles avec le Christ. Cette rencontre est déterminante dans la mesure où, sans elle, on ne saurait parler d’une vraie conversion des cœurs à l’Évangile et au Christ. La rencontre avec le Christ commence déjà dès les premières années d’initiation chrétienne où l’enseignement catéchétique doit pouvoir amener le néophyte à se centrer sur la personne du Christ, révélateur parfait de l’amour de Dieu miséricordieux. C’est l’étape où les catéchumènes doivent s’imprégner des vraies valeurs de la vie chrétienne, lesquelles obligent conséquemment à opérer des ruptures nécessaires par rapport à leur vie antérieure.
Tout l’engagement chrétien consisterait ainsi à entretenir une relation d’intimité profonde avec le Christ par la prière constante, l’écoute assidue de la Parole de Dieu, et la fréquentation régulière des sacrements. Cette vie de communion, lieu de conversion permanente, est ce qui pourra permettre de purifier les fausses images de Dieu, entretenir un rapport plus ajusté au Dieu de Jésus-Christ, avoir une conception non matérialiste de la vie et s’engager pour la transformation de son environnement.
Quelle pastorale proposez-vous dans ce livre face aux adhésions ésotériques de certains fidèles africains ?
M. R. H. : La pastorale préconisée consisterait en un accompagnement spirituel des fidèles (la pastorale de l’écoute), notamment les jeunes qui constituent la principale cible des groupes ésotériques. Dans le processus d’accompagnement à promouvoir, il s’agira d’amener les jeunes à se sentir membres à part entière de la communauté ecclésiale qui, comme une mère, veille à leur éducation chrétienne et enracinement dans la foi. La foi au Christ invite ici les fidèles à faire du Christ le centre de gravité de leur vie, celui auquel ils s’engagent à conformer leur vie chrétienne, de façon à faire corps avec lui. Cette communion avec le Christ est la garantie d’une foi authentique susceptible de résister aux assauts des groupes ésotériques.
Dans ce sens, l’intégration, voire l’engagement des jeunes dans les Communautés ecclésiales de base (Ceb) peut être une chance. Ces communautés à taille humaine sont un creuset approprié où les fidèles du Christ peuvent mieux approfondir leur connaissance du Christ, mener une véritable vie de communion fraternelle, s’entraider et résister ensemble aux assauts, voire aux subterfuges des marchands d’illusion. C’est aussi le cadre où les jeunes qui sont en manque d’emplois peuvent trouver des compétences susceptibles de les aider à se prendre en charge et préparer adéquatement leur avenir au plan professionnel.
Quelles tâches pour les communautés ecclésiales africaines aujourd’hui ?
M. R. H. : Les principales tâches visent prioritairement à la formation à la foi authentique. De fait, face à l’incroyance et à la forte tendance au syncrétisme, il importe de faire découvrir aux fidèles à travers la catéchèse, les homélies et les enseignements doctrinaux, la relation d’amour et de confiance totale à vivre avec le Christ. C’est au cœur de cette rencontre qu’une réelle conversion peut s’opérer et amener le chrétien à un attachement inconditionnel au Christ et à un engagement à promouvoir l’épanouissement des autres membres de sa communauté.
Le témoignage d’une vie de communion fraternelle au sein des communautés ecclésiales constitue une autre tâche qui incombe aux Églises d’Afrique à l’heure de la nouvelle évangélisation. Il s’agira de faire des communautés chrétiennes des lieux où les fidèles œuvrent de manière à avoir « un seul cœur et une seule âme », ce qui suppose une rencontre personnelle et profonde avec le Christ. Celle-ci reste une condition incontournable pour qu’une véritable entente et une cohésion sociale puissent s’instaurer entre les membres d’une même communauté.
Enfin, former à la bonne gouvernance dans la perspective d’une gestion saine des institutions ecclésiales et étatiques constitue une autre tâche pour les Églises d’Afrique. Le témoignage ici consistera à administrer de façon transparente et selon les règles de l’art, les biens ecclésiaux et étatiques dont les fidèles du Christ ont la charge, de façon à pouvoir en rendre objectivement compte, dans le souci de préserver le bien commun, la paix et la justice sociale.
Recueilli par Juste Hlannon (à Cotonou)
Source : africa.la-croix