Burkina Faso

Les chefs coutumiers s’engagent contre le terrorisme


Chefs coutumiers et traditionnels du Burkina/Université joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou/07 decembre 2022/Kamboissoa Samboé/LCA

Face à l’extrémisme violent, les guides et chefs traditionnels et coutumiers sont déterminés à jouer leur partition pour le retour de la paix. Dans chaque région du pays, des mécanismes culturels et cultuels sont mis en œuvre pour pousser les jeunes à faire usage des valeurs africaines de construction de la paix.

Depuis une demi-douzaine d’années, le Burkina Faso subit de récurrentes attaques terroristes. Dans ce contexte d’insécurité les chefs traditionnels et coutumiers occupent une place de choix dans la médiation en vue d’une paix durable. Quelles stratégies mettent en place pour ce faire ?

Pour Moumouni Zoungrana, maître des conférences en Écritures orales à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, les chefs coutumiers, religieux et traditionnels jouent un rôle incontournable dans le maintien de la cohésion sociale. « Les différents modèles d’organisation de défense des territoires des chefs traditionnels peuvent être appliqués à la défense de l’État, a-t-il fait remarquer. De plus, les chefs peuvent être de grands médiateurs pour apaiser les cœurs, en ce sens que la crise actuelle est le fruit de plusieurs années de frustrationsÉtant proches et légitimes aux yeux de la population, les chefs peuvent être un rempart contre la radicalisation ».

« Il y a des groupes qu’on ne maîtrise pas, certains nous considèrent comme des pépinières de l’État, explique Boureima Ly, l’émir du Yagha, dans la région du Sahel. Nous sommes sur le point de mettre en place des comités de dialogue dans certaines villes. »

Selon ce chef traditionnel qui observe la situation dans la région depuis le commencement de l’insécurité, les groupes armés « ont brandi dès le départ la lutte contre la gouvernance moderne et l’autorité de l’État » comme motivation première. Le 29 février 2020, Yagha a connu une attaque terroriste contre un commissariat et qui a fait une dizaine de morts. Boureima Ly déplore que certains groupes extrémistes imposent leur style vestimentaire et de prière.

« Mais les traditions africaines peuvent aider à déradicaliser certains jeunes », ajoute-t-il. Il cite comme exemple certaines normes sociales traditionnelles comme le droit d’aînesse, les interdits ou encore « l’arbre à palabre » qui permettent une certaine régulation. Kazaan Naaba Belemwendé, chef traditionnel et coutumier de Boudri (Un canton situé à 25 km de Ouagadougou) approuve et souligne que « la tradition est constante dans la tolérance religieuse ».

Facteurs qui favorisent l’extrémisme violent

Tout comme lui, Ousseini Boly, l’émir de Dédougou, dans l’Ouest, estime que la chefferie coutumière et religieuse doit accompagner le retour de la paix. Dans sa région, les groupes extrémistes commettent des exactions contre les civils et les symboles de l’État. À ses yeux, plusieurs facteurs peuvent expliquer l’attrait de certains jeunes pour l’extrémisme violent. Les principales sont le chômage et la perte de certaines valeurs culturelles et traditionnelles. « Les enfants n’écoutent pas les anciens. Les valeurs culturelles telles que vécues à notre enfance qui nous ont permis de vivre en harmonie avec les autres ne sont plus respectées », insiste-t-il.

Trouver dans les religions les valeurs de cohésion sociale

Ouagadougou est le fief du peuple Mossi le Mogho Naaba. Ouidi Naaba Kiiba, l’un de ses ministres estime que les valeurs ancestrales encouragent « les différentes ethnies à vivre en symbiose dans chaque village jusqu’à la ville. L’histoire du royaume s’est faite avec des alliances entre les différentes ethnies, souligne-t-il. Ces alliances permettent de puiser dans les différences religieuses une cohésion sociale ».

De son côtéIdrissa Diao, chef du peuple peuhl de la province de Koulpelgo (centre-Est) proche de la frontière du Togo insiste sur « les valeurs dans les différentes communautés ethniques telles que l’hospitalité, l’écoute et de l’éducation des enfants ».

Kamboissoa Samboé (à Ouagadougou)

Source: africa.la-croix

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