Eglise

 

« Le dialogue œcuménique et interreligieux
ne peut plus être une option, c’est une nécessité »


Roger Ekoué Folikoue, universitaire togolais, chrétien et philosophe/Charles Ayetan/LCA

Cette année, la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens célèbrent du 18 au 25 janvier a pour thème « Apprenez à faire le bien, recherchez la justice » (Isaïe 1, 17). Dans ce cadre, Roger Ekoué Folikoue, universitaire, chrétien catholique et philosophe, évoque avec La Croix Africa, la question de l’unité des chrétiens en lien avec les valeurs de la justice et de la solidarité.

La Croix Africa : Quel peut être aujourd’hui l’apport des chrétiens pour plus de justice et de solidarité dans le bien ?

Roger Folikoue : Pour répondre à cette question, il me semble que l’on peut partir de l’identité et de la mission du disciple du Christ consignées dans l’évangile selon St Mt 5, 13-15 : « Vous êtes le sel de la terre. (…) Vous êtes la lumière du monde. » Se découvrir lumière en Christ pour être lumière du Christ, ce n’est pas briller uniquement pour ceux que l’on aime, pour les gens de son ethnie, son parti politique, sa religion, etc., mais c’est briller pour tous ceux qui sont dans la maison comme c’est écrit dans Matthieu. L’encyclique du Pape François Laudato Si indique clairement que le monde est notre « maison commune ». Briller pour tous ceux qui sont dans la maison est, dès lors, un acte de solidarité, sans frontière, car elle se fonde sur la fraternité ouverte (cf. Fratelli Tutti du Pape François). Dans ce sens les chrétiens doivent aller au-delà de leurs différentes dénominations pour ne pas s’enfermer dans leurs formes d’appartenance religieuse. La solidarité doit être une réalité concrète, elle doit aller au-delà des œuvres des organisations caritatives. Nos paroisses ne doivent-elles pas être des lieux de célébration de solidarité agissante qui s’enracine dans la justice comme pilier du vivre-ensemble dans l’harmonie des différences ?

La Croix Africa : Les célébrations de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens ont-elles des résultats réels ou sont-elles simplement des formalités ?

R.F. : Avoir une semaine de prière pour l’unité des chrétiens constitue un pas si l’on considère l’histoire des religions et surtout l’histoire des différentes Églises avec leurs multiples querelles doctrinaires. Passer de la désignation de l’autre comme secte à son acceptation comme Église est un acte de reconnaissance. Et prier ensemble pour l’unité des chrétiens implique fondamentalement cet acte de reconnaissance quand bien même cet acte doit encore s’élargir et être approfondi. Mais au regard de certaines observations sur ce qui se fait depuis des décennies, cette initiative semble devenir une simple formalité car chaque Église croit être la vraie Église et attend que l’autre vienne à elle. Le synode sur la synodalité où « le marcher ensemble » ne concerne pas que les chrétiens ne doit-il pas être une occasion pour évaluer ce qui est fait dans les diocèses et dans l’Église universelle sur la thématique de l’unité ? La semaine de prière pour l’unité ne donnerait pas de grands résultats si on ne change pas de mentalité et surtout de discours théologique (cf. La rencontre du christianisme et des religions : de l’affrontement au dialogue de Jacques Dupuis).

La Croix Africa : Comment peut-on renforcer le dialogue œcuménique et interreligieux au Togo et dans la région ?

R.F. : Le dialogue œcuménique et interreligieux ne peut plus être une option mais c’est une nécessité. Il a besoin d’être renforcé et il me semble que le premier moyen de le renforcer est une déconstruction mentale et théologique qui permet de s’ouvrir à l’autre et aux autres religions sans a priori. Il faut dans ce sens de véritables actes de reconnaissance des autres religions comme lieu d’expérience spirituelle. Car une vraie expérience spirituelle peut nous permettre d’aller au-delà des religions dans leur pluralité pour mettre au centre la recherche du Transcendant, l’innommable qui est au-dessus de tous les discours théologiques. Ce qu’on peut encore faire au Togo pour que ce dialogue soit une réalité, c’est de cesser les campagnes d’évangélisation aux allures de diatribes et de dénigrements des autres religions. Il faut repenser les campagnes d’évangélisation qui se multiplient.

Recueilli par Charles Ayetan (à Lomé)

Source :  africa.la-croix

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