R.D. CONGO


La bonne semence et les fruits. Le long chemin de la propagation de la foi chrétienne au pays du "Fleuve Puissant"

Par Crispin Kimbeni, Évêque de Kisantu

Kisantu (Agence Fides) - La visite imminente du Pape François en République démocratique du Congo (RDC) offre l'occasion de retracer l'une des aventures les plus intéressantes relatives à l'annonce de l'Évangile et à la transmission de la foi catholique sur le continent. C'est une histoire passionnante qui fait ses premiers pas dans les premiers royaumes qui ont structuré politiquement de l’actuelle République Démocratique du Congo.
Parmi ces anciennes entités politiques, le Royaume de Kongo, considéré par certains historiens comme le plus grand des royaumes des côtes occidentales de l'Afrique, a été fondé en 1275 par Nyim'a Lukenyi, et s'est étendu géographiquement dans la zone sud et le long de la bande côtière de l'actuelle RDC, pour finalement englober la partie nord de l'Angola. L'influence de ce royaume s'est étendue à toute la région environnante, jusqu'à l'actuel Gabon, et est restée intense jusqu'à l'arrivée de Diego Cão, l'explorateur Portugais qui, en 1482, avec ses trois navires, a atteint l'embouchure du " Fleuve Puissant ", le Nzari, comme les Bakongo appelaient l'actuel fleuve Congo. Les habitants firent bon accueil et offrirent l’hospitalité aux arrivants, au point que quatre d’entre eux partirent avec Diego Cão pour Lisbonne, dans le but d’apprendre le portugais et servir ainsi d’interprètes.

L'arrivée des missionnaires

Lors de son deuxième voyage, Diego Cão fut reçu par le roi Nzinga Nkuwu, à Mbanza-Kongo, la capitale, qui était située à 3 semaines de marche de l’embouchure, dans le territoire de l’actuelle République d’Angola. Comme résultat de ces entretiens, le roi envoya un ambassadeur à Lisbonne pour solliciter l’arrivée de missionnaires. Peu après, en décembre 1490, un groupe d’artisans, agriculteurs, et prêtres séculiers et religieux émigrèrent au royaume Kongo, à bord de trois caravelles.

L'apôtre du Kongo

L’année suivante, le roi Donzwuau, la reine, le prince Ndonfunsu et quelques nobles reçurent le baptême. A l’exception du prince, les autres ne tardèrent pas à revenir aux pratiques d’antan : polygamie, fétichisme ainsi que d’autres pratiques religieuses incompatibles avec la foi chrétienne.
Face à l’hostilité contre lui en raison de sa fidélité à la foi, Ndofunsu (qui reçut au baptême le nom d’Alphonse, Alfonso en portugais) dut se réfugier à Mbanza-Nsundi. A la mort de son père, en 1506, le prince monta sur le trône. Il régna jusqu’en 1543, assumant l'image d'un "nouveau Constantin" en mémoire des premiers chrétiens locaux (comme le surnomment certaines sources historiques). Alfonso mit tout son effort à faire du royaume Kongo un véritable royaume chrétien. On le surnomma aussi l’ « Apôtre du Kongo. »
Le Diocèse de Sāo Salvador (actuellement Mbanza Kongo) est érigé en 1596
La Préfecture Apostolique du Kongo a quant à elle été érigée en 1640, soit peu après l’institution de la Congrégation de Propaganda Fide.

La suppression des ordres religieux

Malgré une durée de plus de 300 ans, le processus de la « première évangélisation » du Kongo ne jeta pas de racines profondes et elle peut être considérée comme terminée avec le départ des deux derniers Capucins, en 1835, quand les Ordres religieux furent supprimés au Portugal. Parmi les différentes causes qui expliquent ce lent déclin de la foi et de l’œuvre missionnaire, il y a eu, en plus des difficultés de déplacement et les vicissitudes politiques, le nombre réduit de missionnaires qui viendront par après et, surtout, la terrible mortalité des Capucins envoyés dans la région à partir de 1645. En effet, certains mourraient à leur arrivée, et le reste au bout de quelques mois, aux prises avec de fortes fièvres. Pour l’essentiel, il s’agissait des Capucins italiens. Le Saint-Siège souhaitait de la sorte éviter toute confusion entre les politiques d'évangélisation et de colonisation menées à l'époque par les puissances européennes.

Le déclin du royaume Kongo et la missio antiqua

Le phénomène de la traite des esclaves a contribué au déclin du royaume Kongo à partir du XVIe siècle. La situation était devenue tellement incertaine et tout à la fois violente que l’œuvre missionnaire, connue sous le nom de missio antiqua, qui avait été engagée avec tant d’espérance et soutenue par tant de sacrifices, fut pratiquement ruinée.

La « seconde évangélisation" et le travail apostolique des laïcs baptisés

La foi se maintint de façon discrète parmi les chrétiens de l’ancien royaume Kongo. En effet, l’explorateur allemand Adolf Bastian, qui visita Mbanza-Kongo en 1857, atteste que les chrétiens, bien que ne bénéficiant pas de l’accompagnement des prêtres, continuaient à se réunir les jours de fête pour prier, chanter et faire des processions. Les parents apprenaient les prières à leurs enfants.
Dans la partie ouest de la RDC, la « seconde évangélisation » n’est donc pas partie de rien, comme ça sera en revanche le cas dans le reste du pays, où le message évangélique était tout à fait nouveau mais destiné à tomber dans une bonne terre, qui a porté d’innombrables fruits, notamment en raison de la grande religiosité de ses populations.

La première « nouvelle mission» et le retour des ordres religieux

En 1865, le Saint-Siège confia aux missionnaires Spiritains la mentionnée Préfecture Apostolique du Kongo. En 1880 les Spiritains fondérent à Boma la première mission importante de la « deuxième évangélisation. » À l’Est, la même année, ce sont les Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) qui fondèrent Mulweva, sur le lac Tanganyika. Les Pères de Scheut arrivèrent au Congo en 1888, les Jésuites en 1893, etc.
La ferveur des nouveaux missionnaires alimente un nouveau zèle missionnaire. Grâce également au progrès technique de la vie moderne, l'Église a atteint le cœur du continent, ne limitant pas son action apostolique aux populations sur les côtes ou à l’embouchure d’un des plus grands fleuves du monde.

Les grands explorateurs et la semence de la foi

C’était aussi l’époque des grands explorateurs : Burton, Speke, Pogge, Livingstone, Cameron, Stanley, Brazza… Comme fruit de ces contacts intenses, une nouvelle nation allait se constituer, autour du grand Fleuve, brassant différents peuples et leurs organisations politiques au sein d’un État unique.
Léopold II, roi des Belges, qui avait activement soutenu les différentes missions d’exploration de Stanley, se fit reconnaître par les autres puissances européennes comme souverain de l’État Indépendant du Congo, constitué en 1885. A partir de 1908, le pays devint une colonie belge jusqu’au 30 juin 1960, date à laquelle la RDC accéda à l’indépendance et à la souveraineté internationale.
La semence de la foi, répandue durant les siècles précédents, donna enfin du fruit en abondance, au prix de beaucoup de sacrifices. Aujourd’hui, la RDC est un pays à majorité chrétienne, dont les Catholiques représentent le groupe le plus important.
Il y a eu des périodes difficiles, avec des persécutions plus ou moins ouvertes, et l’on compte des martyrs parmi les missionnaires et parmi les autochtones. C’est le cas des bienheureux Anuarite et Isidore Bakanja, béatifiés par Saint Jean-Paul II, respectivement à Kisangani, en 1985, et à Rome, en 1994.

Premières relations diplomatiques avec le Saint-Siège : Negrita

En 1604, le roi Mani Kongo Ndolovwalu II envoya don Antonio Manuel Nsaku Ne Vunda comme Ambassadeur à Rome. Le voyage dura plus de trois ans, car le navire qui le transportait fit étape au Brésil puis au Portugal, où le diplomate fut forcé de passer de longs mois. Quand enfin il arriva dans la Ville Éternelle, l’Ambassadeur était fort fatigué et malade. Malgré les efforts déployés par les médecins que le Pape en personne avait dépêchés à son chevet, il mourut au bout de quelques jours, le 6 janvier 1608. L’événement suscita de l’émoi. Nsaku Ne Vunda, dit Negrita, fut enseveli avec tous les honneurs, à l’intérieur de la Basilique Sainte-Marie-Majeure, où l’on peut encore aujourd’hui admirer son monument funéraire. C’est dans cette même Basilique romaine qu’est enterré aussi le Pape Paul V, dont l’épitaphe rappelle justement l’arrivée de cet Ambassadeur du Kongo.
En prévision de l’acte d’allégeance que l’Ambassadeur venait faire, au nom du Roi du Kongo, le Pape avait fait battre une grande médaille avec sa propre effigie, tandis que sur l’autre face se trouve représentée une scène, qui montre l’Ambassadeur Ne Vunda en train de présenter ses lettres de créance. En souvenir de cette mission diplomatique, le Pape fit également faire une fresque dans la Bibliothèque Vaticane, où est représenté Paul V en visite auprès du malade, lui donnant la Bénédiction Apostolique.

Le premier délégué apostolique

Le 18 janvier 1930, par la Lettre Apostolique Ad regimen totius Ecclesiae, le Pape Pie XI érigea la Délégation Apostolique du Congo belge. S. E. Mgr Giovanni Battista Delle Piane (1898-1961), jusque-là Administrateur Apostolique d’Izmir, fut nommé premier Délégué Apostolique. La première pierre du bâtiment devant abriter la Délégation, et qui est toujours le siège de l’actuelle Représentation Pontificale, fut posée en 1932.
C’est le 16 février 1963 que la Délégation Apostolique sera élevée au rang de Nonciature Apostolique. S. E. Mgr Vito Roberti (1911-1998), jusque-là Délégué, fut désigné Nonce Apostolique.

La hiérarchie catholique. Le premier évêque d'Afrique sub-saharienne

En 1518, Ndoadidiki (Henri/Henrique de par son nom de baptême), un des fils du roi Ndofunsu qui avait le désir sincère d’évangéliser son peuple, reçut l’ordination épiscopale en 1518, à Lisbonne. Il est le premier Evêque de l’Afrique Noire. Cependant, la constitution d’une véritable hiérarchie n’aura lieu qu’à la deuxième évangélisation, au tournant des 19e et 20e siècles.
Le Vicariat Apostolique du Congo belge est érigé en 1888, et depuis lors le nombre des circonscriptions ecclésiastiques a augmenté, au rythme de l’évangélisation progressive du Pays.
Le premier prêtre congolais de la deuxième évangélisation, Stéphane Kaoze, a été ordonné en 1917, tandis que le premier évêque congolais a été S.E. Mgr Pierre Kimbondo, ordonné évêque auxiliaire de Kisantu en 1956. De nos jours, la hiérarchie en RDC est entièrement constituée d’évêques congolais. Actuellement, il y a 48 Diocèses, répartis en 6 Provinces Ecclésiastiques, et environ 50 Evêques. Le Diocèse le plus récent, celui de Tshilomba, a été créé par le Pape François le 25 mars 2022.
Les prêtres sont actuellement au nombre 4602 et s’occupent dans l’ensemble de près de 1.500 paroisses à travers tout le pays, avec le soutien d’à peu près 3500 religieux et 7500 religieuses, sans compter les innombrables catéchistes et laïcs engagés dans la vie paroissiale. Quant au nombre de séminaristes, pour l’ensemble de la RDC, il est d’environ 1500.

Crispin Kimbeni, Évêque de Kisantu

Source : fides.org

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