Benin

  

« Si des baptisés désertent les églises,
c’est faute de formation, d’écoute, d’attention »

Mgr Bernard de Clairvaux Toha, oblat de saint François de Sales (Osfs) et évêque de Djougou (Nord-Bénin)/Juste Hlannon /LCA

À l’occasion du 4e centenaire de la mort de St François de Sales, le pape François publiait le 28 décembre la lettre apostolique Totum amoris est.
Mgr Bernard de Clairvaux Toha, oblat de saint François de Sales (Osfs) et évêque de Djougou (Nord-Bénin), exprime sa réception de cette lettre et en dégage des enjeux pour l’Église en Afrique.

La Croix Africa : Comment avez-vous reçu la lettre apostolique Totum amoris est du pape François pour les 400 ans de la mort de saint François de Sales ?

Mgr Bernard de Clairvaux Toha : En proposant cette lettre apostolique à l’Église universelle, le Saint-Père a, sans doute, vu en ce saint un pasteur qui a laissé un message qui reste d’actualité, même quatre siècles après. Pour nous oblats de saint François de Sales (Osfs), dans le contexte de cette commémoration, c’est une joie de voir le pape proposer notre maître spirituel à l’Église universelle comme modèle.

Par ailleurs, en tant qu’évêque africain, je puis dire que saint François de Sales a beaucoup à dire à notre continent. Notre Afrique a besoin de ce message fondamental qui est que tous, nous sommes appelés à la sainteté, un axe important du renouveau que saint François de Sales a proposé à ses contemporains en un contexte de profondes mutations et que rappelle le pape François dans cette lettre.

En termes clairs, on n’a pas forcément besoin d’habiter un couvent ou un monastère pour devenir saint. Comme baptisé, qui que tu sois, où que tu sois, tu peux et dois aspirer à la vie dévote, à la sainteté. Ce ne sont donc pas seulement les évêques, prêtres, religieux et religieuses qui doivent mener une vie parfaite mais plutôt nous tous, chrétiens.

Le pape François rêve dans cette lettre d’« une Église non autoréférentielle, capable de partager la vie des personnes, d’écouter et d’accueillir ». Comment cela peut-il se concrétiser au sein de l’Église en Afrique qu’on dit encore cléricale ?

Mgr Bernard de Clairvaux Toha : L’Église en Afrique est une jeune Église qui s’essaie encore, mais le message de saint François de Sales a quelque chose à nous apporter pour que nous puissions nous améliorer. En appelant à une Église non autoréférentielle, le Saint-Père interpelle, à mon sens, notre représentation de l’Église. L’Église, c’est l’Église de Jésus-Christ. C’est lui que nous devons proclamer.

En effet, quand l’on pose un regard panoramique sur le christianisme en Afrique aujourd’hui et qu’on voit ce que font les prédicateurs et pasteurs qui essaiment, on se demande si c’est vraiment Jésus-Christ qu’on proclame. Une certaine prééminence de la figure du pasteur ou du prêtre – car il y en a aussi dans nos rangs – laisse l’impression que l’auto-référentialité l’emporte parfois sur la centralité du Christ, ce que déplore le pape François.

En outre, partager la vie des personnes c’est, en réalité ce que saint François de Sales a fait toute sa vie et que rappelle cette lettre. Il n’était pas un évêque de bureau. Pour lui, un évêque ne peut bien assumer sa charge s’il n’est pas là pour écouter et accompagner les fidèles ; et ça, c’est un message fort. Nous, pasteurs d’aujourd’hui en Afrique, avons besoin de faire nôtre l’approche pastorale de ce saint en changeant de paradigme. Nos fidèles ont besoin de la proximité de leurs pasteurs pour les écouter et former. Si certains baptisés désertent les églises aujourd’hui, c’est faute de formation, d’écoute, d’attention, de solidarité et de fraternité et on ne peut pas être solidaire ni fraternel si on ne descend pas pour être avec les gens, marcher avec eux, partager leurs souffrances et leurs joies.

« Tout est à l’amour, pour l’amour et d’amour en la sainte Église ». Que doit faire l’Église en Afrique pour correspondre davantage à cet idéal qu’évoque le Saint-Père ?

Mgr Bernard de Clairvaux Toha : À travers cette phrase dans laquelle le pape François a puisé le titre de sa lettre, saint François de Sales explique la nécessité de l’amour. En effet, l’expérience de l’amour vrai et sincère pourrait renouveler le visage de notre Église en Afrique. C’est l’amour, c’est-à-dire le bien de l’autre, de notre communauté ecclésiale, de notre société qui doit déterminer nos actes et non la crainte de quelque punition.

Il nous faut, chacun à notre niveau, cesser avec les fausses dévotions, l’amour hypocrite qui fait semblant, l’amour qu’on simule alors que l’on a de la rancœur dans le cœur. C’est l’un des problèmes majeurs de notre monde d’aujourd’hui. L’Afrique n’en est pas épargnée. Nous devons refaire de l’amour vrai le fondement de nos relations dans l’Église et la société.

Recueilli par Juste Hlannon (à Cotonou)

Source:  africa.la-croix

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